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Trần Nhân Tông : le roi bouddhiste qui a marqué l’histoire du Vietnam
Dans l’histoire du Vietnam, rares sont les figures aussi inspirantes et respectées que Trần Nhân Tông. Empereur lettré et stratège de génie, il renonça volontairement au trône après avoir mené son peuple à la victoire contre les envahisseurs mongols, pour se consacrer entièrement à la voie spirituelle. Retiré dans les montagnes sacrées de Yên Tử, il fonda l’école bouddhiste Trúc Lâm, profondément vietnamienne, ouverte, et ancrée dans la réalité.
Un roi devenu moine, un sage devenu maître spirituel : découvrons son parcours exceptionnel.
Un roi lettré et stratège
Né en 1258, Trần Nhân Tông est monté sur le trône en 1278, à l’âge de 20 ans. Dès ses premières années de règne, il a dû faire face à une menace colossale : les invasions mongoles de l’empire Yuan (Chine).
Grâce à son intelligence politique, sa fermeté et son talent stratégique, il mena son armée — avec l’aide du général Trần Hưng Đạo — à deux victoires décisives (1285 et 1288) contre les forces mongoles, pourtant supérieures en nombre.
🐎 Contexte : L’Empire mongol en 1285 – La plus grande puissance de l’histoire
Au XIIIᵉ siècle, sous le règne de Kubilai Khan (Hốt Tất Liệt), petit-fils de Gengis Khan, l’Empire mongol atteignait son apogée, devenant le plus vaste empire territorial jamais connu dans l’histoire de l’humanité.
À cette époque, leur domination s’étendait sur :
- l’Asie : la totalité de la Chine, la Corée (Koryŏ), le Tibet, l’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan…) ;
- l’Europe de l’Est : la Russie (Kiev, Moscou), la Pologne, la Hongrie ;
- le Moyen-Orient : la Perse, l’Irak ;
- l’Asie du Sud : des campagnes jusqu’à Delhi (Inde).
Ils ont tenté à plusieurs reprises d’envahir le Japon, le Dai Viêt (ancien nom du Vietnam), le Champa (Centre du Vietnam actuel) et d’autres régions d’Asie du Sud-Est.
📍 En 1285, date de la seconde invasion du Dai Viêt :
- Les Mongols avaient déjà conquis toute la Chine et fondé la dynastie Yuan (depuis 1271), avec Kubilai comme empereur.
- La Corée était devenue un vassal soumis.
- Ils contrôlaient presque tout le continent eurasiatique, à l’exception du Japon et d’une partie de l’Asie du Sud-Est.


⚔️ Une armée redoutée dans le monde entier
Les armées mongoles étaient célèbres pour leur mobilité, leur discipline de fer et leur puissance tactique. Lors de l’invasion du Dai Viêt en 1285 :
- Le corps principal était dirigé par le prince Thoát Hoan (Toghan), fils de Kubilai.
- Il était appuyé par des troupes coréennes commandées par le général Lý Hằng.
- L’armée comptait entre 30 000 et 50 000 soldats d’élite, extrêmement bien entraînés.
🟢 Leur force exceptionnelle reposait sur :
- La cavalerie légère, maîtres dans l’art du tir à l’arc à cheval, capables de frapper vite et de disparaître tout aussi rapidement.
- Des tactiques complexes : feintes de retraite, encerclements, guerre psychologique.
- Un réseau de communication éclair (plus de 200 km/jour grâce aux relais de chevaux).
- L’utilisation de prisonniers capturés comme troupes de première ligne.
👉 C’était une armée qui avait battu l’Europe orientale, traversé l’Himalaya, semé la terreur dans le monde musulman comme dans la chrétienté.
Au-delà de ses talents militaires, Trần Nhân Tông était un homme de lettres et de spiritualité, admiré pour sa sagesse et son sens du devoir.
Sa retraite à Yên Tử et l’abandon du trône
Après avoir assuré la stabilité du royaume, il décida en 1293 d’abdiquer en faveur de son fils. Trois ans plus tard, il se retira dans les montagnes de Yên Tử, lieu sacré du nord du Vietnam, pour y mener une vie d’ascèse et de méditation.

Là, il devint moine sous le nom de Trúc Lâm Đại Sĩ, c’est-à-dire « le Grand Sage de la forêt de bambous », et suivit une vie d’ermite, méditant dans les grottes, enseignant à ses disciples et composant des poèmes empreints de sagesse.
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Ci-dessous, une vidéo sur le resort Legacy MGallery Yên Tử, situé au pied de la montagne Yên Tử
La création de la voie Trúc Lâm
C’est à Yên Tử que Trần Nhân Tông fonda une école bouddhiste originale et profondément vietnamienne : le bouddhisme Trúc Lâm.
Cette tradition :
- Synthétise les courants Zen (Thiền), Mahayana et bouddhisme populaire vietnamien ;
- Encourage la pratique dans la vie quotidienne, pas seulement dans les monastères ;
- Met l’accent sur l’expérience directe, l’équilibre entre vie intérieure et action dans le monde ;
- Prône une attitude tolérante, une vie simple, proche de la nature.
Trúc Lâm est souvent considérée comme la seule école bouddhiste 100 % vietnamienne, sans origine étrangère directe.



Son héritage spirituel au Vietnam
Aujourd’hui, Trần Nhân Tông est vénéré à la fois comme un héros national et un maître spirituel.
- Son nom est associé à de nombreux temples, stèles et festivals, en particulier à Yên Tử où l’on peut encore suivre ses traces.
- Le centre spirituel Trúc Lâm Yên Tử attire chaque année des centaines de milliers de pèlerins.
Son message de paix intérieure, d’union entre engagement dans le monde et pratique spirituelle, continue d’inspirer jusqu’à aujourd’hui.
Trần Nhân Tông incarne l’idéal vietnamien d’un leader éclairé, au service du peuple, puis détaché des honneurs pour rechercher la vérité intérieure.
Sa vie, à la croisée de la politique, de la poésie et de la spiritualité, fascine encore des siècles plus tard. Si vous visitez Yên Tử, vous marcherez littéralement sur les pas d’un roi devenu sage.